Récit : Roland Dorgelès, Les Croix de bois, 1919

Peu d’œuvres procurent ainsi l’impression d’un souffle puissant et brûlant. Il n’y a pas précisément d’histoire parce que c’est l’Histoire qui écrit celle-ci, que l’on croit si bien connaître. Après la lecture du Feu de Barbusse et d’À l’Ouest rien de nouveau de Remarque je pouvais légitimement penser être avoir fait le tour de la littérature de guerre, la Grande, celle qui m’importe plus que les autres parce qu’elle a touché de près mes ascendants et qu’une visite émue de Verdun en 2017 (précisément 100 ans après que mon grand-père y a combattu) m’a donné envie de renouer avec nos poilus. Je n’avais de Dorgelès que l’image potache d’un jeune homme faisant les quatre-cents coups à Montmartre avec Max Jacob et Apollinaire. Ici, le subtil positionnement du narrateur, dont on ignore l’identité – sans doute Dorgelès lui-même – donne au récit toute son authenticité : un témoignage direct et empathique du soldat relatant l’horreur répétée des assauts dans une langue souvent poétique mais qu...