Roman : Lolita, Vladimir Nabokov

L olita est doté du pouvoir aphasique des chefs-d’œuvre. De ceux qui laissent sans voix tant leur souffle a cette capacité de brûler les steppes de l’esprit, de véritables forêts calcinées où, de mémoire de lecteur, on ne s’est jusqu’ici jamais aventuré. Pour aimer Lolita , sans doute faut-il être soi-même « un artiste doublé d’un fou, un de ces êtres infiniment mélancoliques, aux reins ruisselants d’un poison subtil » (p. 28), à l’instar de Humbert Humbert, narrateur de cette épopée érotique et déjantée. Humbert se définit d’emblée comme « nympholepte », un de ces hommes d’âge déjà mûr qui tombe amoureux d’une « nymphette », de ces jeunes filles impubères dotées de « cette grâce trouble, ce charme élusif et changeant, insidieux, bouleversant » (p. 27). Humbert Humbert n’hésite pas à épouser Charlotte, la mère de Lolita, pour vivre au plus proche de la fille, qui n’a que douze ans au début du roman, quitte à s’en débarrasser au plus tôt....