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Affichage des articles du janvier, 2024

Roman : Les Nuits de la peste, Orhan Pamuk (Folio)

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La peste fait des ravages sur l’île de Mingher en 1901. Dans ce contexte mortifère, la princesse Pakizê est confrontée à un cuisant dilemme  : renoncer à son mari le docteur Nuri pour le sauver en épousant le cheikh Hamdullah, tyran de Mingher ou le condamner en refusant la compromission avec le cheikh octogénaire. Digne de Salammbo et Shéhérazade, la fascinante Pakizê, fille de l’ancien sultan ottoman et calife se révèle aussi une fine enquêteuse. Il est difficile en effet, entre le fléau qui fait cinquante morts par jour, les tensions entre musulmans et orthodoxes, de démêler l’écheveau narratif. D’un côté le parti-pris scientifique incarné par le docteur Nuri, envoyé par Istambul pour endiguer la Peste en organisant la quarantaine, et de l’autre le cheikh Hamdullah et les Musulmans qui accusent l’état turc de trahison. La peste devient elle-même objet de méfiance puisqu’on accuse des espions à la botte des orthodoxes de favoriser l’épidémie en lâchant des rats contaminés dans les

Bande-dessinée : Les Indomptés, par Blutch (Lucky Comics)

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On est toujours un peu gêné, après la disparition de leurs créateurs, quand paraissent de nouvelles aventures des monstres de Bd franco-belge. S’il fait régulièrement hurler les partisans de l’œuvre définitivement close (et Hergé a certainement bien fait d’interdire toute suite à Tintin), le procédé semble en tout cas lucratif. Après le dernier Astérix et avant le prochain Gaston, vient de paraître un nouveau prolongement de la saga Lucky Luke. Cette fois, c’est Blutch qui s’y colle. Dans Les Indomptés, on retrouve un Lucky Luke baby-sitter malgré lui. Deux mioches, Rose et Casper, deux pestes dignes de Billy the Kid et d’Abdallah, vont faire tourner notre cow-boy solitaire en bourrique. La ficelle comique est connue : un héros capable de vaincre les pires des malfrats complètement débordé par des enfants, ces « pervers polymorphes » qui s’avèrent effectivement indomptables. Parents disparus, grand frère mis en prison par Lucky Luke lui-même, notre héros se sent dès lors respon

Roman : Katrina Kalda, La Mélancolie du monde sauvage (Gallimard)

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Que reste-t-il quand tout s’effondre autour de soi ? L’Art, bien sûr. Tel est le constat dressé, très tôt dans sa vie, par Sabrina. Livrée à elle-même dans un milieu hostile et affligée d’une mère défaillante, elle découvre le pouvoir résiliant de l’Art lors d’une sortie scolaire au musée Rodin. Dès lors, elle voue sa vie à ce qui peut la sublimer au quotidien et devient plasticienne. Le parcours est semé d’embûches, entre propriétaire trop conciliant pour être honnête et découragements légitimes face à des démarches artistiques dénuées de sens. Ni la rencontre avec le fantasque Vassil, ni l’amour pour la petite Gaïa ne pourront pleinement satisfaire la quête de Sabrina. Reste alors l’ultime option : partir pour le « monde sauvage », fuir le monde social où tout s’écroule. D’un point de départ minutieusement réaliste, le roman s’ouvre peu à peu vers la dystopie. L’effondrement climatique, social et politique est avéré, mais il convient d’espérer : « Beaucoup de nos raisons étaient illu

Marseille, Roger Duchêne, Jean Contrucci (Fayard)

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«La ville sans nom » a été , pendant une courte période, le nom paradoxal donné à Marseille après la Révolution. Voilà une des innombrables révélations de ce puits d’informations élaboré par les deux érudits Duchêne et Contrucci, le premièr traitant de l’Histoire ancienne de la ville et le second de l’époque moderne. Pour autant, l’imposant volume se lit comme un roman, fluide et addictif en ce que la ville propose de rebondissements entre gloire éphémère et périodes tragiques. La nuance et la rigueur historique sont toujours de mise. Chiffres à l’appui, les auteurs reviennent souvent sur les lieux communs qui ont fait la fausse réputation de Marseille. Cette « ville antique sans monument », essentiellement dévouée au lucre et au commerce, préférant toujours sacrifier les plus pauvres pour l’appât du gain de quelques nantis, parfois gouvernée par des voyous, s’avère par périodes une cité policée, artiste et soucieuse du bien-être de tous. Souvent au bord du déclin, la ville a toujou