Roman : Les Enfants de la crique, Rémi Baille (ed. Le bruit du monde)


 

Nine, jeune fille de dix-huit ans, vit dans une crique, une de ces enclaves maritimes que l’on trouve dans les calanques entre Marseille et Cassis ou près de Toulon, avec son lot de cabanons aménagés, écrasés par un été torride. Nine se rapproche de Coco, un autre enfant de la crique, puis s’enfuit, sans raison apparente. Entre-temps un incendie met tout ce monde en émoi. Panique des touristes, résistance de la Douane (qui désigne étrangement un couple de femmes tellement unies qu’elles ne font qu’une). Finalement, avec l’aide des pompiers et de Coco, le feu est maîtrisé. Nine en profite pour rentrer de son petit périple. Mais à son retour, on l’accuse d’être à l’origine de l’incendie. Les esprits s’échauffent, on la diabolise. Même Coco ne sait que trop penser. Puis Nine est innocentée grâce à une pièce à conviction : une carte postale qu’elle avait envoyée lors de sa fugue, attestant qu’elle ne pouvait être à la fois à l’autre bout de la Côte et dans la crique en train d’allumer le feu.

En définitive, il ne se passe pas grand-chose. Si d’un point de vue narratif tout le basculement de l’intrigue tient dans cette seule trouvaille de la carte-postale, le point d’orgue du roman réside dans la description de l’incendie, au cœur du livre. Rémi Baille réussit un coup de maître en éclatant lui-même sa prose : phrases elliptiques, verbes escamotés, le style claque comme un embrasement. La syntaxe se rabougrit comme un pin calciné, les mots sentent le roussi, à l’image du tableau de couverture joliment fauve de Julien Laporte.

Les enfants de la crique aurait sans doute mérité d’être davantage étoffé, notamment dans l’expression des psychologies. Ces personnages sont des taiseux, mais trop de non-dits occulte leurs intentions cachées (pourquoi Nine s’en va-t-elle juste au moment où se noue son histoire avec Coco, sous la bénédiction de la Vierge ?) Sans doute tout ceci participe-t-il, comme la force du vent, des choses qu’on ne peut maîtriser, parce que poétiques et aléatoires comme le parcours d’un incendie. L’auteur nous laisse à nos supputations et les potentialités narratives restent à lire entre les lignes : « Cette histoire nous dit quelque chose des enfants : la nature ici tient sa force des choses que nous ne maîtrisons pas » (p.57).

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