Roman graphique : On ne la ferme pas, Benoît Jahan, ed. FLBLB
C’est l’histoire d’une colère. L’auteur-narrateur apprend en mai 2014 la fermeture de l’école municipale de son village (Le Pradet, dans le Var). Celle-là même où il a été scolarisé. Autant dire un lieu historique où chaque habitant a ses souvenirs. Dès lors la colère va se muer en combat. C’est avec ses armes de dessinateur que Benoît Jahan va interpeller le maire. Il faut dire que début 2015, les attentats de Charlie ont tristement montré que le dessin pouvait être tragiquement efficace. Et les coups de crayon vont toucher là où ça fait mal, dénonçant une gestion déplorable de la municipalité, avec des décisions catastrophiques et des édiles déficients. L’auteur-dessinateur va s’engager politiquement dans un parti d’opposition où son talent sera mis à contribution, notamment par la création de supports graphiques divers comme des bulletins illustrés ou des cartes postales dénonciatrices. Il va alors être personnellement inquiété jusque dans son métier d’enseignant ou par de basses attaques via les réseaux sociaux reprenant d’anciens travaux artistiques. Rien ne manque du pouvoir insidieux et ignominieux de la politique locale.
Benoît Jahan est connu (sous le pseudo de Big Ben) pour ses activités multiples de dessinateur/créateur de fanzines (Le Phacochère et Groinge notamment) mais aussi pour ses romans graphiques. On avait beaucoup aimé son « Jours d’école » relatant une expérience pédagogique à la fois drôle et touchante en classe de 6e autour d’une séquence sur Ulysse. « On ne la ferme pas ! » pose une vraie question sur l’engagement politique : il est facile de dénoncer Trump, Poutine ou les véreux de tout poil du bout du monde. Mais le véritable engagement ne se traduit-il pas par une implication de proximité ? Le livre de Benoît Jahan met le doigt sur la frilosité, voire les lâchetés des librairies locales, qui assument (ou pas) de mettre en évidence un ouvrage censuré par la fatwa municipale. Preuve en est que le dessin dérange. Celui de Benoît Jahan est simple mais terriblement efficace. En noir, gris et blanc, le dessin va à l’essentiel et le texte est dense sans être envahissant. Le traitement réaliste de certaines rues du village appuient la crédibilité du propos : on n’est pas en terre de dystopie. Hélas, tout est authentique dans ce brûlot dessiné qui nous rappelle, dans un monde de conformisme, combien il est important d’élaborer le récit du contre-pouvoir.
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