Collectif : Le pays blanc (Livre de poche)

 

« Peut-être que ce talent de conteur que nous avons en partage est une malédiction », écrit Joy Majdalani dans le dernier des récits qui composent ce recueil. Le « pays blanc », c’est le Liban, avec son histoire complexe et ses « innombrables combats » que tente vainement de résumer Amin Maalouf : « entre Russes et Américains, entre Israéliens et Palestiniens, entre Syriens et Palestiniens, entre Syriens et Israéliens, entre Irakiens et Syriens, entre Iraniens et Saoudiens, entre Iraniens et Israéliens, la liste est longue ». Sans compter les appuis des factions locales qui rendent, pour un profane occidental, les enjeux quasiment incompréhensibles. Un pays gangrené de l’intérieur, où d’anciens chefs des milices « se sont transformés en politiciens et chefs communautaires » (Frédéric Paulin) et où « 75 % des habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté ». Joy Majdalani résume la situation en évoquant cette « fresque colorée, mosaïque de confessions, de partis et d’appartenances qui fait notre beauté et notre perte ».

Le parti-pris général de Céline Bentz, à l’initiative du projet , n’est pas d’entrer dans le récit historique des conflits mais de nous faire découvrir différents regards d’exilés sur ce pays de cocagne, à la fois champ de ruines et Eldorado. Chaque écrivain y va de sa vision subjective, son rapport personnel au Liban, entre racines revendiquées et recul nécessaire à l’analyse. Sabyl Ghoussoub mêle sa propre expérience (l’image maternelle se confondant avec la mer) au récit historique : le soulèvement d’Octobre 2019 après la taxation de Wats App par le gouvernement ou l’explosion tragique sur le port de Beyrouth en août 2020. Frédéric Paulin fait le récit d’un acte de résistance plus individuel : Sali Hafez, courageuse jeune fille de 28 ans, braque une banque en 2022 afin de récupérer l’argent que lui doit la Blom Bank pour soigner sa sœur atteinte d’un cancer. Elle réunira l’argent, se rendra à la Justice puis sera relaxée : sur le principe, l’état n’a pas à pousser les banques à la rétention de fonds des particuliers et le pistolet de Sali Hafez était en plastique.

De son côté, Céline Bentz nous conte le destin tragique de Hussein, qui refuse de quitter son logement malgré les bombes qui menacent. De toutes façons, son destin est scellé : il doit mourir d’un cancer dans quelques mois. « Hussein meurt, mais le Liban, lui, vivra », conclut Céline Benz avec optimisme.

Il est clair que ce Pays blanc n’est pas un guide touristique. On y sent une amertume omniprésente, quelque chose entre sentiment du gâchis et nostalgie. La chanson de Fairouz, citée par Rima Abdoul Malak, résume ce déchirement : « Oh vent, je t’en prie, ramène-moi à mon pays. J’ai peur, mon cœur, de grandir dans cet exil et que ma patrie ne me reconnaisse pas ».

Les droits du recueil sont versés à l’Unicef et aux enfants du Pays du Cèdre.


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